Introduction
Dans ce second essai, je prendrai le contrepied du premier essai de mon collègue Martin Fournier qui traite de la radio, particulièrement les tribunes téléphoniques, du point de vue du journaliste. Pour ce faire, j’utiliserai le point de vue du public. Martin affirme d’emblée, que « les émissions radiophoniques de type tribunes téléphoniques ne donnent pas beaucoup d'informations, en quantité mais surtout en qualité, au public ». (2011, en ligne) Il donne également d’autres inconvénients de la radio, comme le manque de réceptivité des animateurs vedettes face aux opinions divergentes du public, les confrontations, ou les dérapages qui donnent des échanges musclés entre animateurs et auditeurs. Il questionne aussi l’information livrée par les animateurs et affirme qu’elle « n’est pas supérieure aux sources utilisées ».
Malgré que certains éléments soient valables, je ne partage pas l’avis général de mon collègue. C’est ce que je tenterai de démontrer dans les prochaines lignes.
LA RADIO : DU POINT DE VUE DU PUBLIC
Tout comme les autres médias de masse (télévision, Internet, journaux), la radio s’est transformée dans les dernières années. Le public ne veut plus seulement être récepteur d’un message, il veut participer à un échange. C’est pourquoi les médias sont de plus en plus interactifs. Comme Claude Villers a déjà dit : « Ce n’est plus vous qui écoutez la radio, c’est la radio qui vous écoutent. » (In Schmidt, 2009, en ligne) Dans le style communément appelé le « talk radio », on cherche beaucoup à donner la parole au public, qu’il soit expert ou non sur un sujet donné.
Fournier affirme que « la quantité d'informations n'est pas supérieure aux sources utilisées (journaux, bulletins d'informations télévisés et internet). Souvent, les tribunes téléphoniques lancent des débats sur des sujets d'actualité locale, dont on a largement parlé à la télévision ou dans les journaux. Pour ce qui est de la qualité de l'information, elle peut être bien variable ». (2011, en ligne) Mais n’est-ce pas le but de ce genre de tribunes téléphoniques que de débattre sur des sujets d’actualité? « On y aborde des thèmes imposés par l'instance de diffusion, qui se doivent d'être en rapport direct, presque d'immédiateté avec l'actualité chaude. » (Becqueret, 2005, en ligne) Oui les animateurs reprennent de l’information dont on a parlé dans les journaux et à la télévision, mais on ne peut débattre sur quelque chose que l’on ne connaît pas.
Les bulletins d’actualité à la télévision ou les articles de journaux permettent aux auditeurs et aux lecteurs de recevoir l’information, de se l’approprier, mais pas d’en partager leur vision et de donner leur opinion. Comme l’explique Becqueret, les réactions du public sur l'actualité « sont rarement formulées sous formes de questions simples à destination du journaliste ou de l'expert. Bien plus souvent il s'agit de confirmation de l'existence de ce dont on parle dans l'émission, par la narration d'une expérience personnelle corroborant les dires ». (2004, en ligne)
Si les instances médiatiques radiophoniques ne voulaient que fournir de l’information à la manière des bulletins de nouvelles, les tribunes téléphoniques n’existeraient pas. C’est parce qu’on veut avoir l’avis des gens, les faire participer au contenu des émissions que ces tribunes existent. « C'est à la figure de l'auditeur moyen que les instances médiatiques s'adressent lorsqu'elles ont besoin d'une parole particulière et individuelle, d'un récit de vie, d'une narration singulière portant sur un sujet abordé dans une émission. » (Becqueret, 2004, en ligne) De plus, « c’est en faisant parler un auditeur lambda, celui qui dans ses idées englobe les opinions d’une partie des écoutants, ou celui qui permettra aux auditeurs de s’identifier à lui par sa situation spécifique, que la radio réunit son auditoire ». (Schmidt, 2009, en ligne)
Il est certain que la quantité d’informations n’est pas supérieure aux sources utilisées car ce sont ces sources qui fournissent l’information. C’est justement au moment ou l’on amène de l’information sans source que « l’information, elle peut être bien variable », comme le suggère Fournier. Les tribunes téléphoniques sont là pour donner la liberté de parole au public. Celui-ci donne son opinion sur les sujets abordés, mais n’a peut-être pas eu accès aux mêmes informations que les animateurs de radio. Comme l’affirme Françoise Séguy, « la relation établie entre la radio (émetteur) et l’auditeur (récepteur) est bouleversée dans ses fondements, ce dernier devenant à son tour émetteur d'information ». (In Schmidt, 2009, en ligne)
Fournier affirme que « l'animateur étant la vedette de l'émission, il laisse peu de place aux débats, qui peuvent apporter de l'information supplémentaire sur le sujet. Il va plutôt prendre l'opinion des auditeurs qui sont en accord avec ses dires, et insulter ceux qui ont une opinion contraire ». (2011, en ligne) À ceci, je répondrai qu’il est rare que quelqu’un soit en accord avec les opinions différentes des siennes. Il est certain qu’un animateur tentera de défendre son point de vue auprès d’un auditeur qui ne le partage pas. Cela fait partie de la communication publique, « cette partie de l’activité symbolique d’une société dans laquelle, à la suite de processus de différentiation, des systèmes différents interagissent et se retrouvent en compétition pour s’assurer de la visibilité afin de soutenir son point de vue sur des arguments d’intérêt collectif ». (Rotelli, 2006, en ligne)
Pour ce qui est des dérapages, disons qu’ils font « partie du jeu ». Qu’ils soient à la télévision, à la radio, en personne, on ne peut les éviter. Une bonne qualité d’un animateur radio est de savoir d’adapter à toutes situations, dont les dérapages font partie. « Il présente des reportages, reçoit des invités, impose un style et assure le bon déroulement de son émission […] Il est imaginatif, dynamique, et a une facilité à s’adapter aux invités et aux sujets. » (L4m, in Studya, s.d., en ligne)
Oui, certains animateurs « vivent » du dérapage. Nous n’avons qu’à penser à ce cher Jeff Fillion qui a accumulé les poursuites il y a quelques années.
Sans vouloir protéger son style radiophonique que je n’appuie pas plus que mon collègue Fournier, n’y a-t-il pas 50 000 personnes qui ont marché dans les rues de Québec pour lui démontrer leur appui. Je reviens ici à la référence à Rotelli citée plus haut qui parle d’interaction, de différence d’opinion et de soutien de point de vue. Cette définition s’applique parfaitement au cas de Jeff Fillion.
On a souvent qualifié son style radiophonique de « radio-poubelle », mais Jeff Fillion était tout de même le morning man numéro 1 à Québec. Il y a une demande pour ce genre de radio. Les gens écoutent. Dans le cas de Jeff Fillion, la menace de congédiement de l’animateur vedette et de la fermeture de la station a soulevé la passion de milliers de personnes qui ont manifesté leur mécontentement de plusieurs manières.
Environ 50 000 personnes ont marché dans les rues de la ville de Québec pour protester contre la décision du CRTC. Une pétition d’environ 209 000 noms a été également remise au gouvernement canadien, lors d'un rallye de plus de 8 000 Québécois à Ottawa, la capitale du Canada. La station a également bénéficié du soutien de différents partis politiques canadiens, notamment l'Action démocratique du Québec, le Parti conservateur du Canada et le Nouveau Parti démocratique, ainsi que de différents organismes internationaux voués à la défense de la liberté d'expression, dont Reporters sans frontières et le journal d'affaires britannique The Economist. (Wikipedia, en ligne)
La Nordique Nation est un bon exemple de la radio au service du public. La Nordique Nation, un fan club créé pour les amateurs des Nordiques pour le retour d’une équipe de hockey professionnelle à Québec est une initiative de ChoiRadioX 98,1 et RadioX2Rock 100,9. Que ce soit par la Marche Bleue ou par les deux voyages organisés qui ont permis aux amateurs d’aller assister à des parties de hockey à New York revêtant les couleurs des Nordiques de Québec, les deux stations de radio ont donné une tribune permettant aux nombreux amateurs de hockey de la ville de Québec qui le désirent, de montrer de manière originale aux instances du hockey et aux instances gouvernementales que la passion du hockey vibre encore et toujours dans la ville de Québec.
Pour le dernier voyage à New York de 1600 membres de la Nordique Nation, une publicité a été créée et diffusée en boucle pendant une heure sur un écran de Times Square. La publicité a été « concoctée par les sept meilleurs finissants en publicité de l'Université Laval ». (Lavoie, 2011, en ligne)
CONCLUSION
En radio, les animateurs controversés sont souvent très populaires et obtiennent les meilleures cotes d’écoute. On a qu’à penser à Jeff Fillion, André Arthur, Howard Stern, etc. Par contre, ils font face à de nombreuses poursuites pour diffamation, atteinte à la réputation, etc. Par contre, j’ai de la difficulté avec le fait que nous pouvons régulièrement voir des humoristes comme Jean-François Mercier et Mike Ward, ridiculiser des personnalités connues sans avoir de conséquences juridiques. Bien entendu, c’est de l’humour, les gens paient pour aller se divertir. Mais est-ce que les gens ne veulent pas également se divertir en écoutant la radio. Le public qui n’aime pas Mike Ward ne va pas voir un spectacle de Mike Ward, et le public qui n’aime pas Jeff Fillion n’écoute pas Jeff Fillion. En quoi est-ce différent? En 2005, le premier ministre Jean Charest avait traité la jeune députée péquiste Elsie Lefebvre de « chienne ». Il s’est excusé et tout est rentré dans l’ordre. Qu’est-ce qui sépare ceux qui sont sanctionnés de ceux qui ne le sont pas? Qui a plus de « passe droit » sur la liberté d’expression?
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Sources :
Becqueret, Nicolas. 2005. « Le témoignage des auditeurs à la radio ». In Les actes du colloque des journées d'études de l'Ecole Doctorale ASSIC. En ligne. <http://greriren.free.fr/article12.htm>. Page consultée le 23 juin 2011.
Cossette, Claude. 2006. La Publicité de A à Z : dictionnaire technique français-anglais. Québec : Les Presses de l’Université Laval, 286 pages.
Fournier, Martin. 2011. « Mini essai 1 : La radio au niveau de la communication publique ». En ligne. <http://blogchangementmartinfournier.over-blog.com/pages/mini-essai-1-5253751.html>. Page consultée le 15 juin 2011.
Lavoie, Kathleen. 2011. « Sur les écrans de Time Square ». En ligne. In leSoleil. <http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/sports/actualites-sportives/201104/06/01-4387275-sur-les-ecrans-de-times-square.php>. Page consultée le 25 juin 2011.
Rotelli, Fausto. 2006. « La communication publique entre réforme et modernisation ». En ligne. <http://www.google.ca/search?q=communication+publique+d%C3%A9finition&ie=utf-8&oe=utf-8&aq=t&rls=org.mozilla:fr:official&client=firefox-a>. Page consultée le 16 juin 2011.
Schmidt, Blandine. 2009. « La radio au service de ses auditeurs ». En ligne. <http://www.grer.fr/article.php?pageNum_auteur=3&totalRows_auteur=16Page consultée le 17 juin 2011.
Studya. S.d. « L’animateur radio ». En ligne. <http://www.studya.com/formations_metiers/medias/animateur_radio.htm>. Page consultée le 16 juin 2011.
Wikipedia. S.d. « Jeff Fillion ». En ligne. <http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Fran%C3%A7ois_Fillion>. Page consultée le 25 juin 2011.













